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vendredi 10 décembre 2010

Korag Hache-Furieuse

Je m'appelle Korag Hache-Furieuse, chef du clan des Hache-Furieuses et fils de Lortog Hache-Furieuse lâchement assassiné par un chien puant. Je crache sur son honneur. Enfin il n'en a pas, tous ceux de mon clan le savent, c'est pourquoi ils me respectent malgré...
Je ne suis pas orc à pleurer et pourtant des larmes de haine pourraient aisément se répandre sur mes joues marquées par la guerre. Je ne m'épanche jamais, personne ne sait ce que je pense vraiment mais des flammes dansent dans mes yeux et au combat, je hurle vengeance. Les chiens me craignent, ils savent. Je ne comprends pas pourquoi ils restent avec ce lâche sans honneur. Mais peu importe, ils mourront.

Je me lève de mon siège tandis que les anciens prient pour la bataille du lendemain. Il me faut aller encourager les guerriers. Ils sont féroces et bien entraînés mais nous serons inférieurs en nombre. Je sais que nous pouvons vaincre, les chiens sont à l'image de leur chef de meute : miteux et lâches. Pitoyable. Je salue les anciens d'un geste de profond respect et me dirige vers l'élite des Hache-Furieuses.

- Salut Korag ! m'adresse Gorg. Nos haches sont affutées et notre coeur est prêt. Les crocs des Loup-Noirs ne nous atteindront pas.
- Salut Gorg, les loups sont devenus des chiens à la mort de leur ancien chef. N'aie aucune pitié pour eux, ils ne méritent pas le nom d'orc. Un orc sans honneur est comme une hache à la lame cassée, il faut la jeter ou la réparer.

Je me détourne et m'approche des plus jeunes et plus fougueux. Ils sont impatients d'en découdre. J'ai moi-même appris l'art du combat à certains d'entre eux et tous savent qu'il faut aborder la bataille avec calme. Mais, pour mes premiers affrontements, je n'étais pas différent. Je ne leur parle pas mais ma présence les enhardit encore.

- Chef, ils mourront ou nous mourrons, ces chiens ne méritent rien d'autre.

Je fais un signe de tête à mes guerriers et je me dirige vers ma tente. Mon armure habille un mannequin de bois. Seul le pavois et la hache sont posés soigneusement sur une table. Je regarde quelques minutes l'héritage que mon père m'a laissé.

- Korag ? Viens ici.
- Oui Père. 
- Tu vois cette armure, ton grand-père la portait lorsqu'il a rejoint les terres ancestrales. Moi-même, je mourrais aussi en la portant, c'est ainsi qu'il faut périr. Dans les honneurs et les armes. Tu comprends ? 
- Oui, je comprends Père. Mais j'ai pas envie que tu meures.

Lortog Hache-Furieuse lâcha un rire gras tandis qu'il ébouriffait mes cheveux. Lortog était mon père et à l'époque, j'avais quelques étés. Tout juste la force de lever une hache. Il avait décidé de me raconter une histoire qui devrait me servir quand je deviendrais chef du clan des Hache-Furieuses. Elle parle de l'armure qu'il me légua et que mes ancêtres ont portée sur bien des générations.

- Tu sais Fils. Ce métal est un trésor et il est la preuve que nous sommes les maîtres des lieux. Personne ne pourra nous contredire tant que nous possèderons cette armure. Le premier Hache-Furieuse est venu s'installer ici après un long exode. Il cherchait une terre d'accueil pour les siens et il l'a trouvée. Ce n'est que bien des décennies plus tard que d'autres clans se sont établis sur les terres voisines. Quoiqu'il en soit, en explorant aux alentours de son campement, il découvrit ce qu'il pensa être une pierre mais en réalité il constata vite que c'était un métal aux propriétés uniques. Il rassembla tous les échantillons qu'il trouva sur le site. Une fois qu'il fut sûr qu'il n'en restait pas, il se forgea lui-même une armure, un bouclier et une hache. Depuis, cet héritage passe de père en fils et chaque génération la porte avec fierté car elle représente l'honneur du clan. Quand un ennemi la regarde de trop près, c'est qu'il va mourir sous peu. Et beaucoup ont eu la chance de la toucher jusqu'à maintenant.

Il me jeta alors un regard si plein d'orgueil qu'il lui était inutile d'exprimer sa pensée. Je n'oublierais jamais ce qu'il signifiait et je mettrais toujours un point d'honneur à retrouver le sentiment que j'ai éprouvé en posant mes yeux dans les siens.

- Il faut que tu saches une chose Korag. Bientôt, je vais unifier les clans. La guerre dure depuis trop longtemps, la famine nous guette et si notre peuple est trop affaibli, nous seront vulnérables pour longtemps. Le fait est qu'avec cet héritage il me sera facile de convaincre les chefs de clans. La plupart sont nos alliés mais certains seront plus réticents. L'Armure Noire est le symbole de la venue des orcs sur ces terres. Les autres clans savent qu'ils sont tributaires de notre découverte. Notre nom et ce métal le leur rappelle. C'est pourquoi il est impératif qu'elle reste dans notre famille. Il ne faut surtout pas qu'un autre clan s'en empare car elle est le meilleure moyen de fédérer les clans et cette tâche doit nous revenir à nous ! A personne d'autre !

Ce qu'il ne m'a pas dit à ce moment-là c'est que Loup-Noir voulait s'en emparer. S'il m'avait prévenu, j'aurais sûrement pu le sauver.

Je sors brusquement de mes pensées en entendant un bruit au dehors. Je m'empare d'une peau afin de lustrer chaque parcelle du métal noir dont sont faites les différentes pièces de l'armure lourde qui me protègera. Elles sont ornées d'excroissances métalliques servant autant à intimider l'adversaire qu'à le blesser. Je m'occupe ensuite de nettoyer le pavois, lui aussi couverts de piques maintenant à bonne distance mes ennemis. Je saisis enfin ma hache afin d'en aiguiser les tranchants. Il lui faudra fendre parfaitement ces animaux puants.

***

L'aube se lève sur la plaine. Les Hache-Furieuses sont déjà prêts, les Loup-Noirs aussi. Nous nous faisons face. Personne ne demande une entrevue. C'est inutile. Aucun orc ne signera de reddition. J'exulte de rage et d'impatience. Chaque parcelle de mon corps tressaille à l'idée du combat à venir. Je réclame le sang de la vengeance tout comme mes frères. Je mets à hurler puissamment et ce cri de guerre terrifie mes ennemis. Mon clan entier me suit. Nous faisons un bruit monstrueux mais cela nous donne de la force. J'entends les chiens hurler à leur tour. Ils imitent le loup. Je souris férocement. Ils vont mourir.

Je lève ma hache et j'ajuste mon pavois. Mes guerriers passent à l'offensive, mais à la manière des Hache-Furieuses, d'un pas lent et cadencé pour faire trembler le sol et pour économiser nos forces pour le combat. La meute de loups, elle, nous charge. Ils auront le privilège de la vitesse et nous, celui de la stabilité. Ils vont s'agglutiner sur le mur de nos boucliers et beaucoup vont périr. Les miens m'avaient demandé de rester en arrière-garde mais ça ne serait pas digne d'un Hache-Furieuse. Mon père était toujours en première ligne, contrairement au Loup-Noir qui tremble de peur et préfère rester dans l'ombre.

Ils arrivent. Je me campe sur mes jambes et me protège avec mon rempart. Le premier vint s'empaler dessus, poussés par les siens. Je hurle de rage et j'abaisse ma hache sur le deuxième puis le troisième. Déjà un mont de cadavre se forme sur la première rangée. L'odeur du sang et de la mort m'enivre complètement. J'avance dans les rangs adverses avec la même efficacité meurtrière. Ils tombent tous autour de moi, aucun ne semble résister au tranchant de ma hache.
Alors que j'esquive l'attaque d'un des loups, je vois arriver un orc particulièrement svelte. Il avance vers moi d'un pas léger et rapide. Il ne s'occupe de personne et vient directement à ma rencontre. Mon adversaire s'arrête de me harceler lorsqu'il aperçoit le géant. Un calme malsain s'établit autour de nous tandis que nous nous faisons face. Je resserre mon emprise sur ma hache, réajuste mon bouclier et me campe sur mes jambes. Je lance un regard de défi à mon adverse.

Ce dernier m'observe apparemment très sereinement. Il porte une armure d'un noir orangé particulièrement harmonieuse avec sa stature. Je sens qu'il dégage quelque chose de singulier. Un pressentiment inhabituel me saisit tandis qu'il tire de leurs fourreaux deux sabres ornés de runes étranges. Mon adversaire est donc un ambidextre ce qui fait de lui un fou ou un maître. Je penche instinctivement sur la deuxième solution et m'apprête à livrer un combat passionnant et difficile. Je lui souris, ravi d'avoir à affronter un ennemi de valeur.

Soudain, il se meut d'une manière si gracieuse qu'il semble m'hypnotiser mais je me rends vite compte qu'il s'approche dangereusement vite de moi. J'ai juste le temps de parer sa première attaque avant de recevoir un coup du deuxième sabre qui glisse sur mon épaulière. Je riposte immédiatement mais il est si rapide que ma hache fend le vide ce qui me déséquilibre. Je réagis immédiatement et je propulse mon bras gauche vers lui. Je réussis à parer son attaque et par un mouvement adroit de mon rempart je le désarme du premier sabre. Il est propulsé quelques mètres plus loin.

J'entends mon adversaire rire. Il semble prendre autant de plaisir que moi à ce duel plutôt inattendu. Je lui lance un regard amusé avant de charger à mon tour. Le fait de n'avoir qu'un seul sabre ne semble pas trop le perturber. Il esquive une fois encore mon attaque et cette fois-ci il m'est impossible de parer un éventuel coup. Il aurait pu aisément me tuer mais il m'inflige une simple blessure superficiel. Je me relève immédiatement et plutôt que de me poser la question je lui rentre dedans avec mon rempart bardé de piques. Son armure amortit le coup mais il bascule sur le dos dans un râle surpris. Je suis moi-même quelque peu étourdi par le choc.

- Korag ! Vient vite ! C'est ton père, il vient d'être attaqué !

Je me précipitai vers le lieu des cris, la peur au ventre, je dois le reconnaître. Mon père était sur le point de réussir son objectif, il ne restait que quelques clans à convaincre de le rejoindre. Les membres du clans s'écartèrent sur mon passage. Nous étions à quelques centaines de mètres de notre village, dans une clairière. Mon père était parti couper du bois comme tout orc se doit de le faire dans le clan. Il n'ordonnait jamais si lui-même ne le faisait pas. Il était respecté des siens car il avait le coeur juste.

- Père ! Hurlai-je. Père ! Réponds-moi !

Un rapide coup d'oeil à sa blessure m'apprit qu'il ne survivrait pas. Ses poumons se remplissaient de sang et sa respiration était sifflante.

- Père, qui était-ce ? Dis-le moi ! Père ! 
- Loup-Noir... Korag... Réussis là où... là où j'ai échoué.
 
Son corps tressaillit tandis qu'il rendait son dernier souffle. Je me mis à hurler ma haine et ma rage. Je voulais le venger tout de suite mais Nrirt, le vieux chaman, vint m'apaiser et me dit qu'il fallait nous préparer pour les rites funéraires. Je regardais l'ancien, les yeux dans le vague.

- Il est mort sans son armure. Un lâche l'a assassiné. Il ne pourra pas aller aux terres ancestrales.

Personne ne répondit. Je me dirigeai vers ma tente, mon père dans les bras. Je le déposai sur mon lit.

Le poing de mon adversaire vient frapper mon heaume, offrant à mes oreilles une résonnance qui me sort immédiatement de mes pensées. Je secoue la tête et je me mets à rire en regardant de plus près la protection crânienne de mon ennemi. Elle lui recouvre entièrement le visage et dessine une grimace parfaitement immonde.

- Est-ce une blague ?
- Je ne pense pas. Bouge de là qu'on continue de se battre.
- Hors de question. Qui es-tu ? Tu sembles avoir plus d'honneur et de talent que tous ces chiens réunis.
- Qu'est-ce que ça peut bien faire ? On m'a demandé de te tuer.
- Tu en as eu l'occasion et je me retrouve avec une griffe de chat.
- Je suis mercenaire. Loup-Noir m'a payé pour participer à cette bataille dans l'unique but de me battre contre toi et de te ridiculiser.
- Quelle réussite...
- En te voyant combattre, je me suis demandé pourquoi il disait que tu n'avais pas d'honneur. Du coup j'ai fait durer un peu le combat. Et je pense qu'il ment.
- C'est une longue histoire. Bon c'est pas tout ça mais des chiens attendent impatiemment de goûter ma hache. Puisque tu es mercenaire, rejoins mes rangs et je te pais le double de l'imbécile qui m'a envoyé un demi-orc mercenaire comme adversaire.
- Impossible...
- Allons bon... fait pas le difficile... déjà que tu ressembles à un elfe en dansant comme ça, m'oblige pas en plus à te tuer. Mon instinct me dit que ça pourrait être une erreur.
- Fais-moi prisonnier alors...
- Pas de quartier désolé...
- Dommage, j'vais devoir te tuer.
- J'ai du mal à voir comment.

Il émet un rire féroce tandis que ses jambes se resserrent sur ma taille, me coupant ainsi le souffle.

- Les jambes des danseurs sont très musclées. Fais-moi prisonnier et je relâche mon étreinte.
- C'est... contre... mes principes ! Que je meurre.
- Serais-tu lâche finalement ?
- Que... veux-tu... dire ?
- Que mourir maintenant serait abandonner la tâche que t'as confié ton père...
- Comment sais...
- Peu importe, fais-moi prisonnier et mets-les en déroute...
- D'accord !

Je me relève et tends la main à mon prisonnier. Je jette un coup d'oeil autour de moi et m'aperçoit que toute la scène n'a duré que cinq minutes. Je pars d'un rire franc.

- Bon... rends-toi à mon campement et va voir Nrirt, raconte lui ce qui de se passer. Récupère tes armes, je ne te crains pas.

Je m'élance au pas de course vers le groupe de combattants le plus proche et je me jette avec joie dans la mêlée. Bien que je ressente une certaine fatigue, le duel m'a redonné des forces ainsi que de l'espoir.

La matinée est déjà bien avancée quand j'entends les tambours battre la retraite. L'ennemi a perdu. Je tue tous ceux qui passent sous le fil de ma hache. Mes ordres sont clairs : pas de quartier. Je montre l'exemple. Il n'y a pas de place pour ces chiens. Je regarde autour de moi et je vois de nombreux frères morts. La victoire aura un goût amer pour longtemps mais j'ai prouvé à ma race que je ne suis pas un lâche, que j'ai de l'honneur mais ça ne suffira sûrement pas. Ils nous ont demandé de partir, de quitter les terres que nous leur avons trouvées.

***
Une procession arrivait dans mon village. La mort de mon père avait vite fait le tour des différents clans et un chaos semblait vouloir s'installer car Lortog s'apprêtait à fédérer tous les orcs afin de faire régner quelques années de paix pour permettre à chaque tribu de se ressourcer. J'aperçus rapidement que ce n'était pas une simple visite de courtoisie. Je vis de nombreux chamans, Loup-Noir et une escorte de guerrier. Les miens s'emparaient déjà de leurs armes mais d'un geste je leur fis savoir de rester tranquille.

Je m'avançai vers eux accompagné de Gorg et Nrirt. Je les saluai tandis qu'ils m'opposaient un visage sévère.

- Est-ce ainsi que l'on salue un hôte, étrangers ? demandai-je, offensé par leur manque de politesse. 
- Nous ne saluons pas un orc déshonoré, Korag Hache-Furieuse.
 
Bien que je sois habitué à garder un visage stoïque je ne pus pas cacher mon étonnement. Comme je ne répondais pas Loup-Noir prit la parole.

- Tu es bien silencieux Hache-Furieuse. Aurais-tu peur de quelque chose ? 
- De quoi je me mêle sale chien ? 
- Il suffit ! C'est toi le chien Korag ! m'adressa un des chamans. Comment oses-tu lui adresser la parole ? 
- Et depuis quand dois-je me plier à vos ordres alors que je suis chez moi ? 
- Ton père est un orc sans honneur qui a assassiné la femme de Loup-Noir alors qu'elle dormait. 

J'accusais le coup avec une certaine difficulté ce qui dut se lire sur mon visage, car les chamans me fixèrent avec attention.

- Comment osez-vous porter une telle accusation ? 
- Ce guerrier dit avoir vu ton père pénétrer dans sa tente. 

Je fixai Loup-Noir droit dans les yeux et y vit une lueur de triomphe. Je compris ce que ce chien avait fait. Et cela me dégoûta profondément.

- Il ment, dis-je simplement. Comment croirai-je un vassal de Loup-Noir alors que ce même Loup-Noir accuse mon père d'assassinat.
 
L'un des chamans s'avança, s'appuyant sur son bâton afin de traîner ses faibles jambes vers moi. Je le laissai approcher.

- Les esprits ne mentent pas Korag. Et ils disent que ton père est bien l'assassin de cette orque.

Je n'avais rien à répliquer. Que pouvais-je dire face à l'accusation des esprits eux-mêmes ? Ecœuré, je voulus m'en retourner vers ma tente mais Loup-Noir me retint.

- Etant donné que ton père est coupable d'assassinat et de manquement à l'honneur, il est évident que tu ne peux prétendre fédérer les orcs. Tu ne peux que partir de ces terres. Nous avons décidé de te bannir, ton clan et toi. Nous te laissons un mois. Les chamans ont aussi émis l'idée que tu laisses l'armure de ta famille car les clans ne voudront jamais s'unir s'ils ne se retrouvent pas autour de ce symbole.

Je ne pus m'empêcher de rire aux éclats en entendant cela. Il faut avouer que c'était très subtilement joué mais jamais je ne laisserais l'héritage de ma famille à qui que ce soit d'autre que mon fils.

- Allez-vous en... Je ne veux plus vous voir. Et... prépare tes guerriers..., ajoutai-je en me tournant vers le chien galeux, je refuse de partir sans laver le déshonneur qui tu as jeté sur mon clan. Nous nous battrons contre ton clan et nous vaincrons. 
- Cela ne réparera pas la faute de ton père. Tu devras partir, objecta un chaman. 
- Tais-toi vieux singe. Tu te laisses berner par les mauvais esprits que t'envoies ce sorcier. Je ne saurais tolérer que tu m'adresses la parole. Vous êtes tous devenus aveugles pour penser que mon père ait pu s'abaisser à pareil acte. Vous ne méritez guère qu'on vous sauve de la famine qui vous guette. Vous mourrez tous dans la honte car quand vous devrez aller aux terres ancestrales, la porte vous sera fermée et seuls les maîtres de ce sorcier, les démons, vous accueilleront dans leurs tourments. Je crache sur vous, qui n'avez rien d'autres que la bêtise pour guide.

Perdu dans mes souvenirs, je n'entends pas arriver Nrirt. Il pose une main sur mon épaule, comme s'il devine ce que je pense.

- Korag, nous n'avons pas le choix.
- Je sais, dis-je, résigné.
- Tu dois donner l'ordre de l'exode, les autres clans vont perdre patience.
- Je déteste fuir. C'est comme si je confirmais le fait que je n'ai pas d'honneur.
- Tu sais que ce n'est pas le cas. Tu fais preuve de sagesse en sauvant ton clan d'une mort certaine. Et nous savons tous les deux que tu n'as pas perdu ton honneur. Le chien les a manipulé.
- Ne perdons-nous pas notre honneur quand les autres pensent que nous n'en avons pas ? Peu importe la vérité, chacun voit ce qu'il veut. Le chien les hypnotise, on dirait un serpent.

Le vieux chaman se lève. Cela met fin à la discussion et me signifie qu'il est temps pour moi de sauver mon peuple.

- Je vais partir en avant avec quelques guerriers. Gorg prendra le commandemant du clan pendant que je nous cherche une terre.
- Korag ? Que devons-nous faire du mercenaire ?
- Rendez-lui sa liberté. Il est brave. Qu'il fasse ce qu'il veut.

Je sors de la tente et part donner mes ordres. Gorg remplira parfaitement son rôle de régent. Il m'a toujours été fidèle. Je sais qu'il aimerait m'accompagner mais je préfère savoir mon clan bien protégé. Je laisse les vétérans avec lui et je demande à deux jeunes guerriers de se préparer. Je les sais téméraire et sans peur. Ils seront à la hauteur.

***

Cela fait des jours que nous parcourons les terres à la recherche d'un endroit où vivre. Mes deux compagnons sont courageux mais encore jeunes et faibles. Je n'aurais pas dû les emmener. Les conditions de voyage sont très rudes et ils s'affaiblissent de jour en jour. L'un deux s'est blessé en combattant un jeune loup affamé. Il avance courageusement mais sa blessure est infectée et je sens que la gangrène le gagne. Il faudrait l'amputer mais il ne pourrait plus marcher. Je ne sais trop quoi faire. Je décide de nous installer quelques jours au même endroit. J'ordonne aux deux guerriers de rester ensemble prêt du feu et de se reposer pendant que je vais chercher de quoi manger.

Je mets une bonne heure pour attraper deux lapins. De quoi se faire un petit ragoût. Je reviens au campement que je retrouve ravager et aucune trace de mes deux compagnons. A voir les traces de sang au sol, je ne prends même pas la peine de les appeler. Ils sont morts ou pas loin de l'être. Je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort. Je ne dois pas rester ici. Je fais mon paquetage et je continue d'avancer... Seul.